Dans notre région des Grands Causses et Cévennes, où le savoir faire de l’agro pastoralisme a été reconnu par l’UNESCO, le retour imposé des loups va entraîner la fin de cette culture centenaire.
par Laure Gal, Patricia Granat éleveuses à St Pierre des Tripiers (48150)
En effet nos grands espaces sont parcourus, entretenus et valorisés par nos troupeaux. L’été nos bêtes pâturent de nuit à la fraiche car les brebis craignent la chaleur. Les loups attaquent prioritairement de nuit. L’ensemble des moyens de protection nécessite de toute façon la présence renforcée de l’éleveur.
La surveillance de nuit des troupeaux, où les rythmes décalés avec sortie à l’aube du troupeau et retour à la nuit s’avèrent très vite intenables (travail de jour comme de nuit, 7 jours sur 7..). Donc à très court terme certains éleveurs seront contraints d’arrêter leur activité.
Les autres vont modifier leur pratique d’élevage c’est-à-dire nourrir beaucoup plus les bêtes en bergerie que dehors, et pour cela intensifier les cultures (fourrages et céréales) et abandonner progressivement les parcours peu productifs.
CONSEQUENCES SUR NOS VIES D’ELEVEURS DE MONTAGNE
- - Disparition d’élevages, de familles, d’activités de transformation sur le territoire et donc appauvrissement du tissu social et économique de notre région,
- - Stress permanent face aux risques d’attaque,
- - Des journées à rallonge pour assumer la protection de nos brebis au pâturage
- - Et donc une vie familiale et sociale quasi impossible
- - Conséquences économiques liées aux pertes indirectes, à la désorganisation de la production (avortements) et ce malgré les indemnisations
- - Fragilisation de l’aval de nos filières en lien avec cette désorganisation de la production
- - Forte dépendance vis-à-vis des mécanismes d’indemnisation
- - A terme des milieux qui se referment avec embroussaillement, perte de biodiversité, risques accrus d’incendies.
NOTRE VECU
Dès la première attaque du loup, c'est toute notre vie professionnelle, familiale et sociale qui est bouleversée : on vit dans la hantise de la prochaine attaque. Le printemps est là.
D'habitude, c'est avec bonheur que l'on voit arriver les beaux jours, la pousse de l‘herbe, promesse de pouvoir faire à nouveau pâturer le troupeau, après un long hiver. Ce printemps qui arrive, nous l'appréhendons. C'est la peur au ventre que nous allons conduire nos bêtes dehors.
PROTECTION DES TROUPEAUX ?
Les mesures dites de protection (embauche d‘aide berger, achat de filets électrifiés et/ou de patous, dédommagement des éleveurs pour le surcroit de surveillance) ont été mises en place par beaucoup d’entre nous. Au 10 avril 2016 aucune des dépenses engagées en 2015 n’ont reçu le soutien promis : aucune aide versée, ce sont les éleveurs qui ont fait l’avance intégrale de la trésorerie… et du travail !
Le travail supplémentaire de l’éleveur pour la protection de son troupeau face aux loups (garde de nuit et de jour, pose et mise en filets pour la nuit…soit +4 à +10 heures de travail par jour) est payé généreusement 23 euros !
Nous éleveurs sommes les seuls à devoir cohabiter avec les loups, à supporter le poids du retour de ces prédateurs. On ne nous informe pas et le travail exigé pour cette cohabitation est totalement dévalué et sous estimé. Voilà notre réalité, jusqu’à quand tiendrons nous ? Le pâturage des troupeaux de brebis sur le Causse va bientôt devenir une simple image d’Epinal.